École de design Nantes Atlantique : le souci du détail technique


En cours d’aménagement depuis les années 2000, le quartier de la création de l’Île de Nantes est une incroyable concentration d’écoles d’art, d’entreprises créatives et de lieux de diffusion artistique, à l’instar de ce que réalise Paris-Saclay dans le domaine des sciences et de la technique. Après l’École d’architecture (2009), l’ESMA-CinéCréatis (2012) et l’École des Beaux-Arts (2017), c’est au tour de l’École de design de se fondre dans cet incubateur urbain de 15 hectares, imaginé sur le site des anciens chantiers navals nantais. Un projet signé Marc Mimram Architecture et Ingénierie, GPAA Architecture et Jouin Manku, dont la réalisation de la charpente métallique et de la majeure partie du clos-couvert est l’œuvre de GH et SOPREMA Entreprises.

École de design de Nantes
Maître d’ouvrage : Adim Ouest (Vinci Constuction France)
Maître d’œuvre : Mimram Architecture & Ingénierie (Architecte Mandataire), GPAA / Jouin Manku
Photo : Erieta Attali

Située entre les boulevards de la Prairie-au-Duc et de l’Estuaire, l’École de design Nantes Atlantique s’inscrit dans un îlot rectangulaire, dont le versant ouest est flanqué d’un immeuble tertiaire de six niveaux et dont le sous-sol accueille un parking public de 500 places. Le groupement porté par Adim-Ouest et Marc Mimram Architecture et Ingénierie a été désigné lauréat du concours en conception-construction en mars 2018. L’agence parisienne de Marc Mimram et la Nantaise GPAA Architecture ont travaillé en workshop pour définir les grandes lignes architecturales du projet. La première s’est ensuite chargée de la maîtrise d’oeuvre de l’école (12 000 m2) et du parking public souterrain. La seconde s’est attelée à la réalisation des bureaux et de ses commerces au rez-de-chaussée. De son côté, le réputé studio Jouin Manku a dessiné une partie du mobilier intérieur, telles les cimaises de présentation des travaux d’étudiants, qui, par pivotement de leurs plateaux, se transforment en grandes tables de travail. Car, comment imaginer une école de design sans pièces de mobilier sur mesure ?

Les dimensions des éléments de l’enveloppe sont corrélées à l’orientation des façades.

Fidèle à sa démarche, alliant la technique à l’espace, l’agence Mimram a elle-même développé des détails constructifs, qui, s’ils appartiennent au domaine de l’architecture, peuvent aussi rentrer dans la catégorie du design. Les élégants poteaux dédoublés de béton préfabriqué, qui occupent les façades en regard de l’espace public, apportent la légèreté que réclame la grande hauteur vitrée des premiers niveaux. Les enveloppes des étages supérieurs constituent un autre cas de figure intéressant. Du côté de la rue, celles-ci sont parcourues par une maille plissée de métal déployé d’aluminium brut, qui recouvre une partie des fenêtres et l’ensemble du bardage rapporté sur les voiles de béton percé. Un dispositif qui offre un double avantage : l’unité des bâtiments sur toute la périphérie de l’îlot (école et bureaux) et la protection solaire des espaces intérieurs, tout en préservant leur transparence, leur luminosité et leur intimité.

Guillaume André, architecte associé de Marc Mimram, explique que « les dimensions des éléments de l’enveloppe sont corrélées à l’orientation des façades. » Sur les versants est et ouest (soleil rasant), les plis du métal déployé font 30 cm de profondeur. Au nord et au sud (pas de soleil ou soleil au zénith), ils ne mesurent plus que 15 cm. On observe le même principe de variation pour les casquettes en tôles d’aluminium anodisé qui jouent le rôle de brise-soleil horizontaux : 120 cm de profondeur au sud, contre 30 cm au nord. « Il en résulte des géométries complexes en raison des angles arrondis des bâtiments, ainsi que des porte-à-faux de 1,45 m par rapport au support béton, qu’il a fallu traiter au moyen d’une ossature mécano-soudée d’une épaisseur de 12 cm seulement », souligne Damien Gérard, responsable départemental du secteur façade de SOPREMA Entreprises. De son côté, Maxime Grigaut, chargé d’affaires travaux de GH, précise que la délicate « opération de pliage des tôles de métal déployé de 2 mm d’épaisseur a dû être réalisée en Allemagne. » Des essais de résistance à la charge et des calculs aux éléments finis ont permis de justifier la tenue au vent des ouvrages (3,50 m de hauteur).

“La traversée piétonne, qui longe l’arrière de l’immeuble tertiaire, fracture l’îlot. Il était intéressant d’y adresser l’école.”

Conformément aux exigences du plan d’urbanisme, l’îlot est traversé par un passage public qui facilite la liaison entre les Nefs (galerie d’exposition des Machines de l’Île, etc.) et le futur parc de la Prairie-au-Duc (Jacqueline Osty, paysagiste). « Cette traversée piétonne, qui longe l’immeuble tertiaire, découpe l’îlot. Il était intéressant d’y adresser l’école », analyse Guillaume André. Plus qu’un simple passage, les architectes ont donc imaginé un véritable lieu de vie bordé d’une agora (atrium), dont la fonction peut être comparée à celle du Palais des études des Beaux-Arts de Paris (évaluation des travaux des étudiants, expositions, conférences, événementiel). Particularité de cet espace de quelque 800 m2, largement ouvert sur la traversée piétonne (mur rideau) et le ciel (couverture en ETFE) : son sol principal, baptisé « podium », se situe à hauteur du plancher bas du R+1. Une configuration mise à profit pour glisser sous celui-ci les rampes de parking, dans le but de libérer au maximum la périphérie de l’îlot, où il s’agissait d’installer la halle de fabrication et les ateliers (céramique, bois, soudure, peinture) en liaison visuelle directe avec la ville.

« Nous ne voulions pas donner de direction à la toiture de l’agora », indique l’architecte. De fait, ce sont des poutres asymétriques, tournées à 180° à chaque travée, qui composent la charpente. Les extrémités des poutres Virendeel prennent appui sur la base ou sur le sommet des triangles structurels disposés en quinconce d’une rive à l’autre. Leurs membrures supérieures génèrent ainsi des surfaces gauches dans lesquelles s’inscrivent les coussins d’air d’ETFE. Outre le faible poids de la couverture, qui permet d’alléger visuellement la charpente, il faut souligner le dessin soigné des poutres de 23 m de portée, qui, exemptées de diagonales, sont dotées de montants HEA recoupés en biais. Suspendus aux membrures inférieures, les panneaux radiants (chauffage de l’agora à 19°C) font corps avec la stucture. Cette finesse de conception et d’exécution se retrouve à l’endroit du mur rideau, composé de montants et de raidisseurs en acier laqué, que recouvre la grille en aluminium supportant les vitrages. Là encore, l’ensemble de l’ouvrage a été mis en oeuvre à partir de profilés standardisés du commerce. Maxime Grigaut rapporte que les problématiques de sismicité et de dilatation ont été résolues par des trous oblongs, qui « dissocient la structure du mur rideau du reste du bâtiment. » Et de résumer la technicité de la réalisation de 18 m de haut : « Tout l’ouvrage est translatant et rotulé. Il peut bouger dans toutes les directions. »

Crédit : © Erieta Attali 

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