SOPREMA est à l’origine d’une innovation qui permet à la fois d’économiser l’eau potable, de réutiliser les eaux usées pour les chasses d’eau et l’arrosage et de favoriser la biodiversité. C’est donc le principe de phyto-épuration – traitement des eaux grises par les plantes – qui est mis en œuvre sur les toitures du bâtiment. C’est un projet pionnier qui s’inscrit dans un cadre réglementaire contraint, la « REUT» pour des usages domestiques ne devant pas engendrer des problèmes sanitaires.
Avec le dérèglement climatique qui entraîne des sécheresses de plus en plus importantes, l’eau, y compris sous nos latitudes, est une ressource qui se raréfie. Dans ce contexte, il devient urgent de mieux la gérer et de l’économiser, notamment dans le bâtiment. Lequel est traversé par trois flux : le flux entrant qui correspond à l’eau potable ; le sortant qui est celui des eaux usées ; le traversant, soit les eaux pluviales. Pour économiser, il est possible d’agir sur des leviers très concrets, tels que les détections de fuites d’eau potable ou la mise en place d’économiseurs d’eau, la récupération des eaux pluviales pour des usages d’arrosage ou le recyclage des eaux grises. Cette troisième option était jusqu’alors mise de côté, essentiellement pour des raisons sanitaires. Pourtant, elle est l’un des leviers les plus efficaces pour l’économie de l’eau.
Mais tout d’abord, qu’est-ce que l’eau grise ? Lionel Sindt, responsable technique solutions de toitures et façades végétalisées chez SOPRANATURE®, nous explique : « Il s’agit de toutes les eaux usées issues de l’activité humaine dans les bâtiments, sauf celles des toilettes qui sont appelées “eaux noires”. C’est une ressource importante puisque nous rejetons en moyenne 150 litres d’eau par jour et par personne. » De fait, utiliser l’eau grise est une façon très efficace pour réduire la consommation d’eau potable dans les bâtiments. Cela permet de baisser les coûts de consommation, tout en ayant une action positive sur l’environnement. En effet, l’eau est utilisée deux fois, ce qui entraîne un gain économique et écologique immédiat : « Le recyclage réduit les rejets d’eaux usées, notamment lorsqu’il est utilisé pour l’irrigation des espaces verts et des toitures végétalisées. Le bénéfice est direct car il y a abattement d’eaux grises vers les réseaux d’assainissement », précise Lionel Sindt. C’est aussi pour les maîtres d’ouvrage un plus pour répondre aux critères de la construction durable et obtenir de meilleurs niveaux en matière de certification environnementale (HQE, Breeam, etc.).
Photo : © Sébastien Brillais / Magellan Communication
Aujourd’hui, moins de 1% des eaux grises sont réutilisées en France. D’autres pays sont plus en avance. L’Australie, les États-Unis, Israël et le Japon se sont tournés vers ces ressources complémentaires face à des situations de pénuries d’eau douce. En Israël par exemple, le taux de réutilisation des eaux usées traitées atteint 91 % et 71 % de ces volumes servent à l’irrigation des cultures. Notre retard s’explique par la ressource abondante que nous avions crue jusque-là intarissable, et par une législation très contraignante.
Ainsi, l’utilisation des eaux grises traitées, que l’on appelle « REUT» et qui consiste à récupérer et à collecter les eaux provenant des douches, baignoires, lavabos, lave-linge et éventuellement de la cuisine, puis à les utiliser après traitement, est quasiment impossible dans notre pays pour des usages domestiques (1). En 2015, la Direction générale de la santé a saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) afin qu’elle évalue les risques sanitaires potentiels liés à leur réutilisation pour des usages domestiques. Dans les avis et rapport publiés en 2015 par l’Agence, on peut lire : « La pratique de réutilisation des eaux grises dans l’habitat doit être encadrée et ne doit être envisagée que pour des usages strictement limités, dans des environnements géographiques affectés durablement et de façon répétée par des pénuries d’eau. Par ailleurs, la population (résidents, utilisateurs occasionnels, professionnels) doit être informée et formée aux conditions d’utilisation nécessaires pour minimiser les risques associés à la présence d’un réseau d’eau non potable dans le bâtiment. »
Photo : SOPREMA Entreprises
Mais compte tenu de la situation, la législation devrait évoluer rapidement. Le 31 mars dernier, le président de la République Emmanuel Macron a présenté le Plan Eau. Lequel prévoit – 10% d’eau prélevée d’ici à 2030. Avec ce plan, la réglementation relative aux usages domestiques des eaux usées traitées fera l’objet de la publication prochaine d’un décret et d’un arrêté spécifique. Sachant que parmi les 53 mesures, trois concernent directement les eaux usées dites « non conventionnelles », soit :
Dans tous les cas, en raison de leurs caractéristiques, les eaux grises brutes ne peuvent être réutilisées sans un traitement préalable. « Elles contiennent, expliquent les experts de l’Anses dans leur rapport, des matières particulaires et organiques et sont contaminées par des micro-organismes, dont des pathogènes et des contaminants physico-chimiques issus notamment du lavage des mains, des produits d’hygiène corporelle et cosmétiques, des produits d’entretien, du lavage des surfaces et du lavage du linge. » Ainsi, la réutilisation des eaux grises nécessite des étapes de traitement, de transport et de stockage, qui doivent être maîtrisées. Et leur utilisation dans l’habitat ou les bureaux requiert l’installation d’un réseau distinct du réseau de distribution d’eau destinée à la consommation humaine (EDCH). Les retours d’expérience listés par l’Anses mettent en évidence que la présence d’un réseau d’eau non potable à l’intérieur constitue une source majeure de risques. L’interconnexion entre le réseau d’EDCH et celui véhiculant les eaux grises peut entraîner une contamination du réseau public de distribution de l’EDCH, la rendant non conforme à la réglementation en vigueur et susceptible d’entraîner des effets sur la santé des consommateurs.
Photo : © Sébastien Brillais / Magellan Communication
On l’a compris, on ne peut pas faire n’importe quoi. C’est tout le sens du travail mené par SOPREMA et son partenaire Aquatiris, qui ont développé un système innovant de traitement des eaux usées en toiture : « En attendant que les freins réglementaires, identifiés par les pouvoirs publics dans le plan Eau 2023 soient levés, les démarches expérimentales telles que celles entreprises par SOPREMA et Aquatiris, participent aujourd’hui au changement qui permettra demain une gestion résiliente et sobre de notre eau, cet “or bleu” », soulignait Pierre-Etienne Bindschedler, président de SOPREMA, lors de la présentation du système. Sa première mise en œuvre a été réalisée dans le nouveau siège social du groupe « le Grand Charles », à Strasbourg (67). Ainsi, le procédé développé traite toutes les eaux grises du bâtiment par phyto-épuration en toiture. L’objectif : qu’elles puissent être réutilisées dans les chasses d’eau et pour l’irrigation des toits végétalisés ou des espaces verts au sol. Le système a été pensé pour la collecte et la réutilisation in situ sans transport d’eau. Outre la réduction de l’impact du bâtiment sur son environnement en limitant l’usage de l’eau potable, la solution favorise le rafraîchissement de l’air par évapotranspiration des plantes (création d’îlots de fraîcheur en zone urbaine), ainsi que la biodiversité (une trentaine d’espèces de plantes). Bref, que des bénéfices. D’ailleurs, les experts des Trophées de la Construction 2023 ne s’y sont pas trompés et ont récompensé, dans la catégorie industrie « Solutions techniques », le système de phyto-épuration du Grand Charles. De plus, dans le cadre du programme européen Phyt’up, des projets de bâtiments démonstrateurs sont déjà en cours à Paris, Bordeaux.
Photo : © Sébastien Brillais / Magellan Communication
Eaux grises (EG) : elles sont définies comme étant les eaux résiduaires domestiques (ERD), à l’exclusion des eaux contenant de l’urine et des matières fécales appelées « eaux noires » (EN). Cette définition intègre les eaux provenant principalement des baignoires, des douches et des effluents de machines à laver le linge. Certaines publications y intègrent les eaux de cuisine.
Phyto-épuration : cette méthode, procédé naturel de filtration et de dépollution des eaux, est une alternative aux procédés d’épuration classiques ; elle consiste à profiter de la capacité de certaines plantes à assainir les eaux usées par des bactéries présentes dans le système racinaire des plantes. Le procédé est écologique, inodore et peut être très esthétique.
(1) La REUT est régie par l’arrêté du 25 juin 2014, modifiant l’arrêté du 2 août 2010 relatif à l’utilisation d’eaux issues du traitement d’épuration des eaux résiduaires urbaines pour l’irrigation de cultures ou d’espaces verts. Cette réglementation définit quatre classes d’eaux usées traitées définissant leurs usages. Les derniers textes législatifs parus concernant la REUT sont l’arrêté du 28 juillet 2022, relatif au dossier de demande d’autorisation d’utilisation des eaux usées traitées, et le décret n°2022-336 du 10 mars 2022.
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