Smart building : le digital rend le bâtiment intelligent


Les transitions énergétiques, environnementales, technologiques, démographiques et urbaines constituent autant de défis que d’opportunités d’actions pour les acteurs des villes de demain. Ces enjeux font état de l’importance de développer des systèmes urbains intelligents, connectés, numériques, qui permettront d’opérer le passage à la ville intelligente et durable. Le bâtiment, centre de vie, est au cœur de ces transformations. La vision d’Emmanuel François, président de l’association Smart Buildings Alliance for Smart Cities (SBA) qui fédère plus de 300 professionnels concernés.

 

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Quelle est la vocation de la SBA ?

L’association a pour but de promouvoir la filière des smart buildings, les immeubles intelligents, au sein des smart cities et d’aider tous les professionnels concernés à aborder cette révolution : industriels, bureaux d’études, architectes, constructeurs, promoteurs, aménageurs, sociétés de services, collectivités. Traditionnellement, le monde de la construction est organisé en silos (éclairage, énergie, sécurité, etc.). Le numérique, lui, inhérent au smart building, est transversal par définition. Tous les acteurs doivent ainsi apprendre à travailler ensemble, définir les prérequis pour concevoir les bâtiments et la ville de demain. C’est la mission de la SBA.

Quelle est votre définition des concepts de smart building et smart city ?

Smart building, smart city, cela veut dire être connecté à un réseau et communiquer. Bâtiments et villes sont en interaction avec l’environnement intérieur ou extérieur, c’est-à-dire qu’ils collectent et émettent des données à l’aide de capteurs et de systèmes électroniques intelligents capables de traiter ces datas. Il ne s’agit pas de bâtiments automatisés, mais qui s’adaptent en temps réel, en fonction d’informations diverses, comme la météo, la consommation énergétique, etc. Le smart building fonctionne de façon cognitive, par auto-apprentissage et prédictivité.

L’avènement des smart buildings et des smart cities peut-il permettre de relever les défis énergétiques et environnementaux actuels ?

Le bâtiment représente en moyenne 44 % de la consommation énergétique en France. En parallèle, son taux d’occupation moyen est inférieur à 40 %. Il y a donc un énorme gaspillage énergétique. Les bâtiments constituent en outre la seconde source de gaz à effet de serre en milieu urbain, tandis que les villes sont responsables de 70 % des émissions. Sans parler de la question des déchets liés au secteur de la construction. Les smart buildings visent à inverser la tendance en devenant des édifices très performants. À l’aide d’une gestion énergétique de pointe, pilotée par exemple en fonction du taux d’occupation des locaux et de l’ouverture des fenêtres, il est facile de réaliser des économies d’énergie de 25 %. Bâtir de façon durable et optimiser le fonctionnement des ouvrages est devenu crucial.

 

« Bâtir de façon durable et optimiser le fonctionnement des ouvrages est devenu crucial. »

 

Il y a aussi des enjeux sociétaux…

La construction de bâtiments flexibles, avec des espaces partagés, modulaires, transformables, bénéficiant d’une plateforme de services, va autoriser le coworking et le coliving. C’est très bien, car il n’est plus pensable que des personnes consacrent chaque jour une heure à une heure trente aux transports entre leur domicile et leur bureau.

 

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Vous dites que le bâtiment va devenir une sorte de smartphone des espaces, avec un ensemble d’applications les valorisant. En quoi le smart building devient-il une plateforme de services ?

Le smart building sera à l’origine de deux familles de services, l’un aux bâtiments, l’autre à l’occupant. La plateforme de services va gérer l’énergie et les différents flux, la sécurité des biens et des personnes avec la détection des risques d’incendies, d’inondations ou de fuites de gaz, les contrôles d’accès, l’état des ascenseurs, etc. La gestion prédictive liée au numérique permettra d’éviter des incidents coûteux.Quant aux occupants, ils pourront aussi bénéficier de nombreuses avancées : sécurité, détection de chutes (personnes âgées), informations sur la qualité de l’air, sur le bruit, la lumière, gestion de la température, etc.

 

« Le smart building sera à l’origine de deux familles de services, l’un aux bâtiments, l’autre à l’occupant. »

 

Sol détecteur de chutes.
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Votre association SBA travaille à la mise en place de standards, avec notamment le lancement en 2017 du label Ready2Services. Il s’agit de faire travailler ensemble tous les acteurs du secteur ?

En quelques années, Internet a révolutionné la vie des individus et des entreprises. Le secteur du bâtiment doit relever de nouveaux défis liés à la transition numérique : demande croissante de services, connexion internet optimale, protection des réseaux et des données, durabilité des installations, etc. Tout cela implique une nouvelle manière de concevoir, de construire et d’exploiter le bâtiment. Ses acteurs – maîtres d’ouvrage, bureaux d’études techniques, industriels, etc. – sont demandeurs d’un référentiel qui les guide dans la mise en place de démarches concrètes. Nous devons tous travailler ensemble sur des standards ouverts et communs. Sinon, ce seront les pure players mondiaux du numérique (Google, Amazon, etc.), aidés de champions de la construction par assemblage comme l’américain Katerra, qui remporteront les marchés.

 

Comment des sociétés spécialisées comme SOPREMA, experte de l’enveloppe des bâtiments, peuvent-elles s’intégrer dans le modèle futur ?

Concernant les matériaux, la digitalisation va permettre de répondre à des exigences croissantes en matière de traçabilité. Chaque composant devra afficher ses caractéristiques techniques, environnementales (durée de vie, teneur en carbone, etc.). Les matériaux vont devenir connectés, communicants, actifs, à l’image de ces sols détecteurs de chutes ou ces ciments à pouvoir chauffant. Une opportunité dont SOPREMA peut se saisir.

 

Microsoft est une référence en matière de smart building, notamment son siège à Amsterdam,
The Outlook (non représenté sur la photo).
Photo : Adobe Stock

 

« Le secteur du bâtiment doit relever de nouveaux défis liésà la transition numérique »

 

Quels sont vos modèles, vos références en matière de smart building ?

L’une des réalisations-phare est le siège de Microsoft à Amsterdam, The Outlook, avec des espaces de travail flexibles, des zones dédiées à divers usages (réflexion, détente, télécommunication, réunion, etc.), le tout géré par une technologie « intelligente ».

Est-ce qu’il n’y a pas un risque d’omnipuissance du numérique et de dépersonnalisation ?

Je ne le pense pas. L’hyperconnectivité va nous permettre de repenser nos bâtiments et nos villes et de répondre aux grands défis d’un monde comptant bientôt 10 milliards d’habitants. Il faut absolument faire émerger des solutions de partage et de mobilité qui favorisent la mixité, la proximité, le local et ainsi contribuer à maintenir le lien social.

 

MINIBIO :

Le bâtiment intelligent a toujours été le fil rouge de l’activité professionnelle d’Emmanuel François, 58 ans. En 2012, il cofonde la Smart Buildings Alliance for Smart Cities (SBA), association qu’il préside depuis cinq ans. Il est également le président fondateur de la fondation MAJ, dont l’objectif est d’ouvrir une nouvelle voie, un nouveau projet de société pour répondre aux grands enjeux actuels de société en repositionnant l’Humain au cœur des transitions et en s’appuyant sur le numérique et les nouvelles technologies pour des bâtiments et des villes plus frugales et solidaires. Emmanuel François est aujourd’hui directeur des ventes en Europe de l’Ouest pour la société EnOcean, qui a notamment breveté un interrupteur sans fil, sans pile qui récupère l’énergie électrique. Une innovation qui permet d’instrumenter des bâtiments de manière non intrusive et durable. Emmanuel François est convaincu de l’intérêt de l’introduction progressive du courant continu pour le SmartBuilding et la SmartCity, pour réduire de manière conséquente leur empreinte carbone.

En savoir plus : www.smartbuildingsalliance.com