L’Odyssée : voyage dans le monde des piscines


L’Odyssée est l’un des grands centres aquatiques de la région parisienne. Dessiné par Chabanne, construit par Spie Batignolles et géré par Espacéo dans le cadre d’une DSP (Délégation de service public), l’équipement sportif présente une enveloppe à géométrie variable, entièrement blanche. Une réalisation de l’agence Paris Acier de SOPREMA Entreprises.

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Les espaces aquatiques d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec les piscines municipales d’hier. On y passe sa journée, en famille, comme s’il s’agissait d’un bord de mer. Sur 6 900 m2, sans compter les espaces extérieurs, celui d’Aulnay-sous-Bois propose tout ce dont peuvent rêver les amateurs de plongeon, de nage à contre-courant ou de performance. Dans la moitié ouest de l’équipement : le plongeoir, le bassin d’activité et la pataugeoire des petits. À l’est : le bassin olympique, où s’entraîneront les athlètes durant les JO de 2024. À l’étage : la balnéo, avec hammam, sauna et salles de sport. En plein air, enfin : une batterie de bassins, ludiques pour la plupart, comprenant une rivière en mouvement, une lagune de jeu, des pentagliss (toboggans), une vaste pièce d’eau récréative et un bassin nordique de 25 m de long, chauffé en hiver.

Photo : Guillaume Guérin

Situé à l’interface de la zone industrielle et de la nappe pavillonnaire d’Aulnay-sous-Bois, le centre aquatique L’Odyssée propose également des aires de beach-volley et de ping-pong, bordées de pelouses. Sa façade principale et ses plages extérieures en béton désactivé sont idéalement ouvertes au sud, avec vue sur la nature. L’entrée et les zones de service (vestiaires, douches, locaux techniques, etc.) sont logées au nord, rue Gaspard-Monge, du côté de la zone industrielle et du parking. Au total, 2 300 baigneurs sont attendus quotidiennement durant la belle saison.

Le grand mérite de l’agence Chabanne est d’avoir conçu son projet en s’inspirant du passé : le vieux stade nautique de Coursaille, qu’il a fallu se résoudre à démolir pour cause de vétusté. « Les habitants d’Aulnay étaient très attachés à cet équipement construit sur la même parcelle, entre 1965 et 1970, par l’architecte Berthelot », souligne Paolo Magri, directeur des études de l’antenne parisienne de Chabanne. De l’héroïsme formel de l’ancien stade nautique, les concepteurs ont retenu le dynamisme géométrique et les envolées vers le ciel pour imaginer une architecture plissée, dont les soulèvements de toiture obéissent aux nécessités intérieures. « Plus les espaces ont besoin d’intimité, moins la hauteur sous plafond est grande. C’est notamment le cas de la pataugeoire et de la balnéo », détaille l’architecte. À l’inverse, « les volumes doivent être plus généreux lorsque les espaces, comme le bassin olympique de 50 mètres, réclament plus de lumière naturelle. » Un principe de modulation des dimensions au cas par cas que l’agence Chabanne a reconduit à l’endroit du mur-rideau de la façade sur jardin, que délimite une ligne brisée de plus de 150 m de long.

Photo : Sydney Zaggoury

Tout est blanc, la couverture comme les façades. Le bâtiment semble avoir été sculpté dans la pierre.

Cette structuration de la « halle » aquatique en une multiplicité de lieux différents, grâce aux géométries et à la lumière, est contrebalancée par le traitement uniforme de l’enveloppe que Paolo Magri décrit comme atemporel : « Tout est blanc, la couverture comme les façades. Le bâtiment semble avoir été sculpté dans la pierre. » De fait, une seule lame de finition (ST300 d’Arcelor Mittal, peinture blanc Carrare) est utilisée pour barder toutes les faces du projet. Antonin Ardouin, conducteur de travaux de Paris Acier, rapporte néanmoins que deux types de mise en œuvre ont été arrêtés selon la nature des supports : « La façade nord se satisfait d’un bardage simple peau sur voiles béton. La façade sud, qui requiert une triple peau sur structure métallique, se compose de plateaux de bardage posés verticalement, d’une isolation imputrescible en verre cellulaire (Foamglas) et de tôles galvanisées, sur lesquelles les lames décoratives ST300 sont fixées par l’intermédiaire d’une ossature en Z. »La forme du toit reproduit strictement la volumétrie intérieure avec des pentes parfois très importantes, qui atteignent 28 % aux extrémités du bâtiment. Peu impactée par les émergences techniques, la couverture est presque entièrement lisse, nonobstant une moquette solaire qui permet de préchauffer l’eau des bassins. La plupart des rejets de CTA sont déportés en façade nord. Les évacuations d’air impossibles à délocaliser sont habilement dissimulées sous une surtoiture de quelques mètres carrés. Une attention esthétique que confortent les considérations techniques d’Antonin Ardouin : « Dans les milieux à très forte hygrométrie, comme les piscines, il s’agit d’éviter les risques de condensation en limitant les traversées en toiture. »

Photo : Sydney Zaggoury

Au final, 4 500 m2 de couverture sur charpente métallique ont été posés par l’agence parisienne de SOPREMA Entreprises, en moins de trois mois. Le complexe de couverture, baptisé Hairaquatic par ses promoteurs (Foamglas et Arcelor Mittal), se compose de bacs acier perforés (laquage 150 microns sur les deux faces contre la corrosion), de laine de roche acoustique (placée dans les fonds d’onde), de bandes de pontage en aluminium, d’une isolation en verre cellulaire de 180 mm et d’un pare-vapeur soudé en plein (Elastovap), destiné à recevoir la membrane d’étanchéité en PVC blanc. Particularité : l’isolant en verre cellulaire a dû être collé sur les bacs acier au moyen de bitume chaud, conformément à l’avis technique. Une occasion de ressortir le fondoir, dont l’usage s’éteint peu à peu dans le métier, à moins qu’il ne s’agisse de cuire l’excellent gigot-bitume !

Dans les milieux à très forte hygrométrie, il s’agit d’éviter les risques de condensation en limitant les traversées en toiture.

 

PORTRAIT : Chabanne

Chabanne est une agence d’architecture et d’ingénierie, spécialiste des programmes complexes. Sa spécificité réside dans un maillage étendu de compétences, qui lui permet d’aborder les projets de manière transversale, du concours à la réalisation.Créée en 1969 par Jean Chabanne, l’agence est aujourd’hui dirigéepar l’architecte Nicolas Chabanne, son fils. Elle compte 130 collaborateurs, à Lyon, Paris, Marseille et Saint-Étienne. Elle ne réunit pas moins d’une dizaine de métiers au service de l’architecture : ingénierie des structures, économie de la construction, ingénierie énergétique et environnementale, BIM management, ingénierie des fluides et électricité, etc. Un pôle dédié aux façades a également été développé au siège social de Lyon, de sorte à maîtriser la conception des enveloppes techniques (verre attaché, verre extérieur collé, etc.). Un pôle d’architecture intérieure s’intéresse enfin au bien-être des futurs occupants.

Les établissements recevant du public (ERP) constituent le cœur de l’activité de Chabanne. Sans surprise, les programmes à forte valeur ajoutée, qui requièrent le plus de savoir-faire spécifiques, sont les mieux représentés. On y trouve notamment les centres sportifs (centres aquatiques, patinoires, stades), les établissements de santé (hôpitaux, EHPAD, SSR) et les lieux d’enseignement (groupes scolaires, IUT, conservatoires). Chaque année, l’agence travaille sur une vingtaine de projets. Elle en a livré plus de trois cents depuis sa fondation. Et Nicolas Chabanne de rappeler ses ambitions : « Nous sommes une entreprise de création. Une entreprise de création, c’est un partage d’idées et de savoirs pour développer une culture qui répond aux questions : comment vivrons-nous demain ? Quels cadres de vie conviendront aux sociétés futures ? »

Cinq projets récents de Chabanne :

Centre hospitalier d’Annecy Genevois (2022)

Cité des Sports d’Issy-les-Moulineaux (2021)

Complexe sportif de Pierre-Bénite (2020)

Conservatoire d’Abbeville (2021)

Patinoire Michel Raffoux de Dunkerque (2019)

Photos : © Guillaume Guérin / © Chabanne