Charpente métallique : patrimoine d’exception


Intervenir sur des charpentes et structures métalliques de plus d’un siècle, qui plus est sur des ouvrages remarquables, requiert une expertise spécifique qui n’est pas à la portée de la première entreprise venue. Ici respect du patrimoine rime avec connaissance de l’histoire du matériau et de ses techniques d’assemblage.

 

Photo : Paul Kozlowski

 

 

La France possède quelques-uns des plus beaux ouvrages en charpente métallique au monde : la tour Eiffel et le viaduc de Garabit des ateliers Gustave Eiffel, la halle de l’architecte Tony Garnier à Lyon, ou encore les halles de Victor Baltard à Nogent-sur-Marne ou Arcachon en sont quelques exemples. Outre ces ouvrages prestigieux, il existe un patrimoine plus modeste mais tout aussi digne d’intérêt, qui demande à être rénové et mis en valeur. Ce que confirme David Henocq, directeur général de CCS International, entreprise de charpente métallique, qui intervient beaucoup en région parisienne : « Nous avons de nombreuses demandes pour la rénovation ou réhabilitation de bâtiments patrimoniaux dotés de charpente et/ou de structure métallique(s). Comme, par exemple, la charpente rivetée de la verrière de l’Institut de France, quai Conti à Paris, qui date de 1880, que nous avons entièrement démontée, nettoyée, consolidée et remontée ». Ces projets sont de deux natures : soit la réhabilitation pure et simple d’une structure métallique existante comme ici, soit l’apport dans un bâtiment patrimonial d’une nouvelle structure en métal.

 

VALORISER LE PATRIMOINE

Et lorsqu’on s’intéresse à ces édifices, c’est souvent ce qui ne se voit pas qui est digne d’intérêt, tant sur le plan historique que technique. Ce qui n’a pas toujours été le cas : « Lorsque que l’on réhabilitait un immeuble il y a une vingtaine d’années, la façade en pierre était conservée et le reste à l’arrière était démoli, alors que bien souvent il s’agissait de trésors de construction métallique. Aujourd’hui, il y a une volonté de valoriser ce patrimoine. Ce fut notre démarche pour la Samaritaine à Paris, où nous avons préservé au maximum les éléments de structure existants (voir encadré) ou lors de la rénovation de la charpente du 52 Champs Elysées », explique David Henocq. Ce type de bâti, CCS International s’en est fait une spécialité : « Auparavant, nous travaillions principalement sur des bâtiments industriels, parkings et autres. Pour nous démarquer et enrichir notre palette, nous nous sommes davantage intéressés au patrimoine avec des charpentes métalliques rivetées ou des immeubles haussmanniens qui peuvent présenter également une structure plurielle ».

EXPERTISE TECHNIQUE ET CONNAISSANCES HISTORIQUES

Ces projets demandent une grande expertise et une bonne connaissance historique de la construction métallique :« L’un des points les plus importants est la qualité de l’acier de la structure existante », souligne David Henocq. En effet, les choix techniques de rénovation seront différents en fonction des trois grandes périodes :« Il y a la révolution industrielle avec la fonte que l’on trouve dans les grandes gares (1850) – c’est le début de la métallurgie, la fonte est cassante et non soudable. Ensuite, il y a le fer puddlé comme celui de la tour Eiffel. Avec lui, il est possible de réaliser des ouvrages plus minces. Il est non soudable mais il autorise des assemblages de pièces rivetées entre elles. Puis, ce sont les débuts de l’acier. Des aciers soudables mais avec précaution, car ils présentent encore beaucoup d’impuretés et sont donc très sensibles à la montée en température ; les soudures et le refroidissement sont des phases critiques ».Avant même d’intervenir, il est donc essentiel de retracer l’histoire du bâtiment de façon à identifier le type d’acier, de fonte ou de fer constituant la charpente.« Cette analyse de l’existant réalisée en laboratoire déterminera un protocole de soudure en adéquation avec le type de métal, ou la façon de réaliser de nouveaux rivetages. Le but est de renforcer, pas de fragiliser. Il faut aussi prendre en compte l’aspect esthétique ; cela compte beaucoup au niveau des détails de charpente et d’assemblage. »

VERS PLUS DE MODULARITÉ

Autres types de travaux sur bâtiments remarquables, les renforcements ou la création de nouvelles structures. Là encore, CCS International apporte son savoir-faire : « Aujourd’hui en réhabilitation, le matériau le plus adapté à la reconstruction au cœur d’un édifice, c’est l’acier. En effet, il autorise une grande modularité comparé au bois ou au béton, tout en ayant une capacité de portance optimale ». De plus, les espaces contraints, – « une constante en rénovation » – ne permettent pas de manipuler des pièces de grandes dimensions. Aussi le fait de pouvoir les concevoir en atelier puis de les assembler sur place est un avantage indéniable : « Dans certains bâtiments, notre seul accès est un ascenseur. D’où l’intérêt de pouvoir concevoir des poutres qui seront assemblées sur place, avec un joint boulonné tous les 3 mètres par exemple ». Bien sûr, tout cela est pensé et conçu en amont : « Pour réussir ces projets, il faut des équipes aguerries qui ont cette culture et aussi un bureau d’études intégré, car cela implique beaucoup de méthode. Donc je dirais que nous sommes agiles, souples, réactifs et que nous jonglons avec nos plannings pour qu’atelier et chantier soient en phase dans le respect des bâtiments remarquables », conclut David Henocq.

 

 

Samaritaine, soudures et rivetages

« On trouve tout à la Samaritaine » et notamment deux bâtiments dotés d’une structure en charpente métallique exceptionnelle : le premier est signé de l’architecte belge Frantz Jourdain, promoteur de l’Art nouveau ; le second, l’extension sur la Seine, est de l’architecte Henri Sauvage. Tous deux ont été conservés et entièrement rénovés. Dans les deux cas, la restauration et le renforcement des charpentes métalliques, qui conservent leur caractère structurel, ont été confiés à l’entreprise CCS International, en groupement avec SMB pour ces deux bâtiments qui constituent le magasin historique. Après analyse des fers utilisés pour leur construction, des soudures sur les deux ouvrages et rivetages à chaud sur le bâtiment « Jourdain » ont pu être envisagés sous certaines conditions. Ainsi pour le bâtiment Sauvage, dont la structure métallique a été curée à 90 % afin de ne garder que la partie principale de la charpente métallique, un protocole spécifique de soudage (électrode enrobée 111) a été mis en place par le groupement SMB/CCS International afin d’éviter les montées en température trop importantes, néfastes pour les fers existants. De même, sur le bâtiment Jourdain, le procédé de rivetage à chaud, outre son esthétique retenue pour une charpente apparente, autorise une maîtrise parfaite des assemblages des éléments structurels venant en renfort.

Maître d’ouvrage : Grands Magasins de la Samaritaine – Maison Ernest Cognacq.SA
Architectes : Agence Sanaa / Agence SRA et François Brugel – Agence Jean-François Lagneau – Agence OAL / Edouard François
Photo : CCS International

 

 

 

Tribunal de Strasbourg, renforcer et créer

Le projet du tribunal de Strasbourg, réalisé par l’entreprise locale BCM, marie travaux de renforcement de structure existante et création d’une nouvelle charpente métallique. Inauguré à la fin du XIXe siècle, le bâtiment en pierre de taille, de style impérial allemand, a été totalement repensé : gestion des flux pour que les détenus ne croisent plus le public ; création de nouvelles circulations, de salles d’audience et d’un sous-sol pour les cellules ; démolition et reconstruction du dernier étage sans intérêt historique. D’où des travaux de renforcement en sous-œuvre de la structure existante par un système de poutraison en acier. Ce qui impose, compte tenu des difficultés d’accès inhérentes à ce type de projet, une grande intelligence de conception et de mise en œuvre, car les moyens mécaniques, tel le grutage sont impossibles. Pour l’étage à reconstruire, les architectes ont choisi de trancher avec une création contemporaine, soit une couverture en origami recouverte de zinc. Pour la soutenir, une charpente métallique a été créée par BCM. Une charpente classique poteaux-poutres, mais complexe car elle répond au dessin original de l’architecte.

Maître d’ouvrage : Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ)
Architectes mandataires : Garcés de Seta Bonet Arquitectes
Architectes co-traitants : Serra Vives Cartagena Arquitectes
Photo : jm.bannwarth

 

 

Hôtel Scribe, une noble marquise

Les frères Lumière y ont présenté leur première projection, Joséphine Baker en avait fait sa résidence. Fleuron du patrimoine du XIXe siècle, l’hôtel Scribe, situé place de l’Opéra à Paris, est en rénovation. L’entreprise de charpente métallique SMB s’est vue confier les études, la fabrication et la pose d’une marquise au-dessus de l’entrée principale. En cours de conception, la marquise, imposante par sa taille, – 60 m2 soit 20 m de long x 3 m de large – est également remarquable par les techniques utilisées. Celles-ci marient la ferronnerie d’art et la charpenterie métallique. Ainsi des consoles en fer forgé porteront la structure acier qui, elle-même, maintiendra les vitrages. Création contemporaine, elle reprend, sans les pasticher, les codes de l’architecture haussmannienne et fera l’objet d’une mise en œuvre soignée, patrimoine historique oblige. Pour l’entreprise, le challenge est double : créer un ouvrage qui honore le dessin de l’architecte et dont les techniques de fixation ne dénaturent pas l’existant, notamment celles qui devront en reprendre la charge.

Maître d’ouvrage : Minhal France
Maître d’œuvre : Studio Kompa
Perspectives : SMB